Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/147

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un homme de vieille lignée, qui comptât beaucoup d’aïeux, et pas une seule campagne : à savoir, pour que, dans une si importante mission, ignorant toute chose, troublé, se hâtant mal à propos, il prenne quelque plébéien qui lui enseigne ses devoirs. Oui, cela n’arrive que trop souvent : celui que vous avez chargé du commandement cherche un autre homme qui lui commande. J’en connais, Romains, qui ont attendu leur élévation au consulat pour commencer à lire l’histoire de nos pères et les préceptes des Grecs sur l’art militaire : hommes qui font tout hors de saison ; car, bien que, dans l’ordre des temps, l’exercice d’une magistrature ne puisse précéder l’élection, il n’en est pas moins la première chose pour l’importance et pour les résultats (104).

Maintenant, Romains, à ces patriciens superbes, comparez Marius, homme nouveau : ce qu’ils ont ouï raconter, ce qu’ils ont lu, je l’ai vu ou fait moi-même ; l’instruction qu’ils ont prise dans les livres, je l’ai reçue dans les camps : estimez donc ce qui vaut le mieux des paroles ou des actions. Ils méprisent ma naissance ; moi, je méprise leur lâcheté. On peut m’objecter, à moi, le tort de la fortune, à eux on objectera leur infamie personnelle. D’après mon sentiment, la nature, notre mère commune, fait tous les hommes égaux ; le plus brave est le plus noble. Si l’on pouvait demander aux pères d’Albinus ou de Bestia, qui d’eux ou de moi ils voudraient avoir engendrés, croyez-vous qu’ils ne répondraient pas qu’ils voudraient avoir pour fils les plus vertueux ? S’ils se croient en droit de me mépriser, qu’ils méprisent donc leurs aïeux, ennoblis comme moi par leur vertu. Ils sont jaloux de mon illustration, qu’ils le