Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/146

Cette page n’a pas encore été corrigée

point déplaire, pourvoir à tout au dedans et au dehors, malgré les envieux, les opposants, les factieux, c’est, Romains, une tâche plus rude qu’on ne pense.

« Les autres, du moins, s’ils ont failli (100), l’ancienneté de leur noblesse, les brillants exploits de leurs aïeux, le crédit de leurs proches et de leurs alliés, le nombre de leurs clients, sont là pour les protéger. Pour moi, toutes mes espérances sont en moi seul ; c’est par mon courage et mon intégrité qu’il me faut les soutenir : car, auprès de ceux-là, tous les autres appuis sont bien faibles (101). Je le vois, Romains, tous les regards sont fixés sur moi : les citoyens honnêtes et justes me sont favorables, parce que mes services profiteront à la république. La noblesse n’attend que le moment de l’attaque (102) : je dois donc redoubler d’efforts pour que vous ne soyez point opprimés (103), et que son attente soit trompée. La vie que j’ai menée depuis mon enfance jusqu’à ce jour m’a donné l’habitude des travaux et des périls : la conduite qu’avant vos bienfaits je tenais sans espoir de salaire, maintenant que j’en ai pour ainsi dire reçu la récompense, je ne m’aviserai pas de m’en départir. La modération dans le pouvoir est difficile aux ambitieux qui, pour parvenir, ont fait semblant d’être honnêtes gens ; mais chez moi, qui ai consacré toute ma vie à la pratique des vertus, l’habitude de bien faire est devenue naturelle. Vous m’avez chargé de la guerre contre Jugurtha : la noblesse s’est irritée de ce choix. Réfléchissez mûrement, je vous prie, s’il ne vaudrait pas mieux changer votre décret, et, parmi cette foule de nobles, chercher pour cette expédition, ou pour toute autre semblable,