Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dignité de sénateur. Mais il surpassa bientôt par son crédit la plupart de ceux que décoraient les consulats et les triomphes. Tant que vécut Mécène, ce courtisan habile et discret eut la seconde place, puis bientôt la première dans les secrets des empereurs ; tout puissant auprès de Livie, qui l’avait porté à la faveur, il reconnaissait ce service en défendant ses intérêts dans les conseils du prince. Ressemblant en ceci encore à Mécène, que, à la fin de sa vie, il conserva plutôt les apparences de l’amitié du prince qu’un véritable pouvoir[1]. Ce confident d’Auguste, ce second Mécène, ce fut Caius Sallustius Crispus, le neveu de l’historien, l’héritier de sa fortune et de ses magnifiques jardins. Ainsi, comme César, Salluste ne se survécut que dans son neveu !

Nous avons retracé la vie de Salluste, il nous faut maintenant examiner ses ouvrages ; et, après l’homme, considérer l’historien.

Nous avons vu que la carrière politique de Salluste avait été interrompue par plusieurs disgrâces ; ces disgrâces servirent son talent : son génie a profité des châtiments mêmes que méritaient ses vices. En 704, il est exclu du sénat ; dans sa retraite forcée, il écrit la Conjuration de Catilina ; envoyé en Numidie, il se fait l’historien du pays dont il avait été le fléau. La Guerre de Jugurtha est de 709 ; les Lettres à César sur le gouvernement de la république avaient été écrites, la première avant le passage de César en Grèce, en 705 ; la seconde, l’année suivante.

Ce sont ces ouvrages que nous allons examiner ; mais auparavant il ne sera pas inutile de jeter un coup d’œil sur ce qu’avait été l’histoire romaine jusqu’au moment ou Salluste la prit pour la porter à une hauteur qui n’a point été dépassée.

Rome eut de bonne heure l’instinct de sa grandeur et le

  1. Tacit., Ann. III, 30