Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/126

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s’était fortifiée de bonne heure loin de la corruption. Lorsqu’en premier lieu il sollicita, auprès du peuple, le tribunat militaire, bien que presque aucun citoyen ne le connût personnellement, sa réputation lui valut les suffrages spontanés de toutes les tribus. Dès ce moment, il s’éleva successivement de magistrature en magistrature, et, dans toutes ses fonctions, il se montra toujours supérieur à son emploi. Cependant, à cette époque, cet homme si distingué, que son ambition perdit par la suite (73), n’osait encore briguer le consulat ; car alors, si le peuple disposait des autres magistratures, la noblesse se transmettait de main en main cette dignité suprême, dont elle était exclusivement en possession. Tout homme nouveau, quels que fussent sa renommée et l’éclat de ses actions, paraissait indigne de cet honneur (74) : il était comme souillé par la tache de sa naissance.

LXIV. Toutefois, les paroles de l’aruspice s’accordant avec les ambitieux désirs de Marius, celui-ci demande à Metellus son congé pour aller se mettre au nombre des candidats. Bien que ce général réunît à un degré supérieur mérite, renommée, et mille autres qualités désirables dans un homme vertueux, il n’était pas exempt de cette hauteur dédaigneuse qui est le défaut général de la noblesse. Frappé d’abord de cette démarche sans exemple, il en témoigne à son questeur toute sa surprise, et lui conseille, en ami, de ne pas s’engager dans un projet si chimérique ; de ne pas élever ses pensées au-dessus de sa condition ; il lui objecte que les mêmes prétentions ne conviennent pas à tous ; qu’il devait se trouver satisfait de sa position, et surtout se bien garder de solliciter du peuple romain ce qui ne