Page:Œuvres complètes de Salluste (trad. Durozoir), 1865.djvu/103

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XLII. Dès que Tibérius et C. Gracchus, dont les ancêtres avaient, dans la guerre punique et dans quelques autres, contribué à l’agrandissement de la république, entreprirent de reconquérir la liberté du peuple et de démasquer les crimes de quelques hommes, la noblesse, épouvantée parce qu’elle se sentait coupable, sut par le moyen, tantôt des alliés, tantôt des Latins, quelquefois même des chevaliers romains qu’avait éloignés du peuple l’espoir d’être associés à la puissance patricienne (32), mettre obstacle aux tentatives des Gracques. D’abord Tibérius, tribun du peuple, puis, quelques années après, Caïus, triumvir pour l’établissement des colonies (33), qui s’était engagé dans les mêmes voies, et avec lui M. Fulvius Flaccus, tombèrent sous le fer des nobles. A dire vrai, les Gracques, dans l’ardeur de la victoire, ne montrèrent point assez de modération ; car l’homme de bien aime mieux succomber que de repousser l’injustice par des moyens criminels (34). La noblesse usa de la victoire avec acharnement : elle se délivra d’une foule de citoyens par le fer ou par l’exil, se préparant ainsi plus de dangers pour l’avenir que de puissance réelle. C’est ce qui, presque toujours, a fait la perte des grands États : un parti veut triompher de l’autre à quelque prix que ce soit, et exercer sur les vaincus les plus cruelles vengeances. Mais, si je voulais exposer en détail, et selon l’importance du sujet, la fureur des partis et tous les vices de notre république, le temps me manquerait plutôt que la matière. Je reprends donc mon récit.

XLIII. Après le traité d’Aulus et la honteuse retraite de notre armée, Metellus et Silanus (35), consuls désignés, tirèrent