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Le spectacle des choses humaines nous présente quelque image de cette souveraine puissance qui n’appartient qu’à Dieu. Où vit-on jamais deux royautés à la fois, ou commencer sans ombrage, ou finir sans effusion de sang ? À Thèbes, Étéocle et Polynice, rivaux en montant sur le trône, et durant toute leur vie ennemis l’un de l’autre, ne cessent pas de l’être même après leur mort. À Rome, un même trône ne peut porter les deux fils de Rhéa, sortis du même sein maternel. Pompée et César s’unissent par les liens du sang, et sont bientôt désunis par la jalousie du pouvoir. S’étonnerait-on qu’il en soit ainsi de l’homme, quand ce caractère d’unité se fait reconnaître dans toutes les scènes de la nature ? Une ruche d’abeilles n’admet qu’une reine, le troupeau un seul chef ; à plus forte raison un seul maître dans le monde, qui par sa parole ordonne tout ce qui est, le gouverne par sa sagesse, le soutient par sa puissance inaccessible, à nos sens, il échappe à notre vue, à l’espace, à toutes nos compréhensions. La seule définition à donner de son être, c’est qu’il est au-dessus de toute définition. Quel temple pourrait être digne de lui ? [1] L’univers tout entier est son temple. Chétif mortel, qui tiens si peu de place dans la plus étroite enceinte, et m’y trouve encore au large, je prétendrais enfermer la Divinité dans un édifice de quelques pieds ? Son vrai sanctuaire, c’est l’âme du fidèle, c’est là qu’elle veut être adorée. Ne

  1. Tertullien : Nec minus templa quam busta despuimus. (De Spect., c. 10.) Minuc. Felix : Templa ut busta despiciunt. Sur quoi le savant Fell fait cette judicieuse observation : que les chrétiens n’ont jamais été sans églises ou oratoires, lieux consacrés au culte du Seigneur. (Notæ in Cypr., p. 10.) Voy. aussi notre Bibliothèque choisie des Pères, t. iii, pag. 312, note.