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passion. Elle s’acharne davantage contre ceux qui passent pour être vertueux, parce qu’ils sont en possession du plus précieux des biens, qui est la vertu. Les services qu’un envieux reçoit de gens favorisés par la Fortune sont pour lui une cause de déplaisir. Il leur en veut de leur intention même et de leur pouvoir de la réaliser, parce que l’intention prouve leur vertu comme leur pouvoir témoigne de leur prospérité, et parce que la vertu et la prospérité sont des avantages. L’envie est donc un sentiment tout à fait autre que la haine, puisque la haine s’adoucit et se calme de ce qui attriste et exaspère l’envie.

8. Considérons maintenant la fin que se proposent l’une et l’autre. La haine a pour but d’être malfaisante autant que possible, et on la définit « une disposition et une volonté épiant les occasions de faire du mal à un autre. » L’envie ne connaît point ce sentiment-là. Tels sont jaloux de leurs amis et de leurs proches, qui ne voudraient pas les voir périr ou tomber dans le malheur. Seulement cette prospérité leur pèse, et ils s’opposeront, s’ils en ont les moyens, au développement que peut prendre la réputation et la gloire de ceux qu’ils connaissent. Toutefois ils ne susciteraient pas des calamités irrémédiables. Le bonheur d’autrui est comme une maison qui s’élève plus haut que la leur. Qu’ils puissent supprimer ce qui gène leur vue[1], ils n’en demanderont pas davantage.


  1. Amyot : « ce qui descouvre de trop loing. » Ce n’est pas probable.