Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/656

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[7] « Par Jupiter, dira quelqu'un, c'est peut-être dans l'intérêt de leurs enfants, de leurs héritiers, qu'ils gardent et qu'ils thésaurisent. » Pourquoi alors ne leur donnent-ils rien de leur vivant ? Ils sont comme les rats qui vivent dans les mines et qui y mangent de la terre mélangée d'or : on ne peut tirer d'eux le précieux métal que quand ils sont crevés et qu'on leur a ouvert le ventre. Pourquoi de tels hommes veulent-ils laisser de grandes richesses et une fortune considérable à leurs fils et à leurs héritiers ? C'est, sans doute, pour que ceux-ci, à leur tour, conservent ces trésors à d'autres, et ces autres, à leurs enfants ? Il me semble voir ces tuyaux en terre cuite, dont la capacité ne retient rien, et qui se vident de l'un dans l'autre. En fin de compte un étranger, un calomniateur, un tyran, anéantit et brise le dépositaire, espèce de conduit ; et c'est dans une autre direction que les flots de cet or se détournent et s'épanchent. Ou bien encore, comme on dit, survient un héritier, le plus mauvais de sa race, qui bientôt a tout dévoré. Ce vers d'Euripide : « L'intempérance échoit à tous les fils d'esclaves », ne s'applique pas exclusivement à ces fils d'esclaves, mais encore aux fils des avares. C'est en ce sens que Diogène disait un jour par raillerie, qu'il valait mieux être le bélier que le fils d'un Mégarien. En paraissant donner de l'éducation à leurs enfants, les avares les perdent et les pervertissent. Ils inculquent en eux la cupidité et l'avarice paternelle. Ils bâtissent en quelque sorte à l'usage de leurs héritiers une forteresse, où se conserve l'héritage. Leurs conseils et leur enseignement se bornent à ceci : « Gagne, ménage, et sois convaincu que tu seras estimé en raison de ce que tu possèderas. » Est-ce là donner de l'éducation ? Non : c'est faire de ses enfants des sacs que l'on resserre et que l'on rapetasse afin qu'ils puissent contenir et garder ce que l'on y jette. Et encore, les sacs ne deviennent-ils sales et crasseux que quand on y a entassé des écus ; mais les fils de l'avare, avant d'avoir reçu leur fortune, sont souillés de la cupidité qui leur vient de leurs pères. Du reste ils les