Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/655

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l'autorité et la suprématie dans les villes se procurent force argent. Leur amour-propre, leur faste, le besoin de représentation, les obligent à donner des festins, à se rendre agréables, à s'entourer de satellites, à envoyer des présents, à nourrir des troupes, à acheter des gladiateurs. Toi, dans quelle prévision entasses-tu ces immenses richesses ? Pourquoi t'agites-tu, te tourmentes-tu comme tu le fais, quand ton avarice « Te condamne à mener l'existence d'une huître » ? Qui t'oblige à supporter toutes ces misères, à te refuser les moindres douceurs ? Je crois voir l'âne qui apporte le bois et les sarments pour le bain. Toujours plein de fumée et de cendres, il ne se lave jamais, jamais il ne profite du bain pour se chauffer ou pour se décrasser.

[6] Notez que je m'adresse ici à cet amour des richesses qui rapproche la créature humaine de l'âne ou de la fourmi. Mais il y a une autre avarice, qui est féroce, calomniatrice, avide d'héritages, menteuse, remuante, inquiète, comptant toujours combien il y a de ses amis encore vivants, et ne jouissant pas davantage, après cela, de ce qu'elle a amassé de tous côtés. Eh bien ! comme vipères, cantharides, tarentules nous inspirent plus de répulsion et d'effroi qu'ours et lions, parce qu'elles piquent et font mourir sans retirer aucun avantage du mal qu'elles ont causé ; de même la perversité qui vient d'une basse et sordide avarice, est plus détestable que celle qui vient de l'intempérance et du désordre. La dégradation de l'avare enlève aux autres ce dont il ne peut jouir, ce qu'il ne saurait utiliser ; celle de l'homme dissolu fait du moins trêve avec la cupidité quand elle a de quoi satisfaire son intempérance. C'est ce que Démosthène disait à ceux qui croyaient Démade corrigé de ses vices : « Vous le voyez dans ce moment repu comme les lions. » Mais pour ceux qui se mêlent aux affaires publiques sans aucun but de plaisir ou d'utilité, leur ardeur d'acquérir ne cesse jamais. Ils ne connaissent pas de repos, parce qu'ils sont toujours vides, toujours également nécessiteux.