Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/654

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Stratonicus raillait les Rhodiens sur leur manie de dépenser, disant qu'ils bâtissaient comme s'ils eussent été immortels et qu'ils se nourrissaient comme s'ils n'avaient que peu de temps à vivre. Mais les avares acquièrent en hommes qui sont riches et usent en hommes sordides. Ils endurent les fatigues et ils n'ont pas le plaisir. Démade assistait un jour au dîner de Phocion, et voyant à quel point cette table était frugale et simple : « Phocion, lui dit-il, je ne comprends pas comment, lorsque vous pouvez dîner ainsi, vous prenez part aux affaires publiques. » C'est que Démade lui-même n'y prenait part qu'afin d'avoir le moyen de satisfaire son ventre ; et comme il trouvait que la ville d'Athènes ne pourvoyait qu'insuffisamment à son intempérance, il mettait encore la Macédoine à contribution pour sa victuaille. Aussi, quand il fut vieux, Antipater, qui eut occasion de le voir, disait-il de lui, qu'il ressemblait à une victime dépecée et qu'il ne lui restait plus que la langue et le ventre. Et toi, misérable avare, comment ne s'étonnerait-on pas de ta conduite ? Quoi ! lorsque tu peux te résoudre à mener une existence si servile et si indigne d'un homme, à ne rien donner à qui que ce soit, à repousser durement tes amis, à décliner toute marque de munificence envers ta ville, alors même tu te condamnes aux tourments et aux veilles, tu travailles comme un mercenaire, tu cours après des successions, tu te soumets humblement à tout ! Ta dégradation même ne t'autorise-t-elle pas grandement à ne rien faire ? On raconte qu'un Byzantin dont la femme était très laide, surprit auprès d'elle un amant adultère : « Malheureux ! lui dit-il, qui t'y forçait ? J'ai du moins la dot pour excuse. Mais toi, tu portes ici gratuitement le trouble en allumant des feux illégitimes ». Il faut que les rois, ainsi que leurs ministres, quand ils veulent conserver