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de ses créanciers. Voyez, au contraire, le richard qui possède plus qu'il ne lui faut et qui veut encore davantage. Il n'y a ni or, ni argent, ni chevaux, ni moutons, ni bœufs qui puissent guérir son mal ; il a besoin d'être vidé et purgé. Ce n'est point pauvreté que sa maladie : c'est insatiabilité, c'est amour des richesses, par suite d'un jugement mauvais et déraisonnable. Tant que cette erreur, comme un mal funeste, n'aura pas été arrachée de son esprit, il ne cessera d'éprouver le besoin du superflu, c'est-à-dire de désirer ce dont il n'a que faire.

[4] Un médecin vient visiter un malade. Il le trouve étendu dans son lit, se plaignant beaucoup et ne voulant pas prendre de nourriture. Il le tâte, il l'interroge, il constate qu'il n'y a pas de fièvre : « C'est l'esprit qui est malade, dit-il, et il s'en va ». De même, toutes les fois que nous verrons un homme se consumant sans cesse à gagner de l'argent, désolé de ce qu'il dépense, ne reculant devant aucune honte, devant aucune contrariété, pour s'enrichir, quoiqu'il possède des maisons, des terres, de grands troupeaux, des esclaves, des provisions de vêtements, pourrons-nous autrement qualifier la maladie de cet homme qu'en disant : « C'est son âme qui est indigente » ? Car la pauvreté qui vient du manque d'argent, comme dit Ménandre, un seul ami bienfaisant suffit à vous en débarrasser ; mais celle qui tient à l'âme, tous les amis du monde, vivants et morts, ne sauraient l'assouvir. C'est de ces gens-là que Solon a dit avec tant de vérité : « L'homme ne voit jamais de terme à la richesse ». Pour les personnes sensées la richesse a des bornes toutes naturelles, et ces bornes sont indiquées par l'accomplissement du besoin d'une manière aussi précise qu'elle pourraient l'être par la règle et le compas. Mais l'avarice présente encore un caractère particulier : elle est un désir qui combat pour n'être pas satisfait, tandis que toutes les autres passions conspirent pour l'être. Ainsi, jamais une personne