Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/651

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comme ceux qui, continuant de boire quand ils n'ont plus soif, de manger quand ils n'ont plus faim, vomissent ce qu'ils avaient pris pour apaiser leur faim et leur soif, de même ces acquéreurs de biens inutiles et superflus ne conservent pas même le nécessaire. Voilà pour une espèce de gens.

[3] D'autres ne dissipent rien ; mais possédant beaucoup, ils désirent toujours davantage. Leur folie paraîtra plus étonnante encore si l'on se rappelle ce qu'a écrit Aristippe. Supposez, dit ce philosophe, un homme qui mange et boive considérablement sans pouvoir se rassasier jamais : il ira trouver les médecins, et leur demandera quelle est sa maladie, à quoi tient cette disposition, comment il peut se guérir. Mais qu'un autre, possédant cinq lits, en veuille dix, qu'ayant dix tables il en achète encore autant, que propriétaire de plusieurs domaines, de capitaux considérables, il ne se trouve pas suffisamment pourvu, qu'à réunir d'autres biens il s'épuise en contentions d'esprit et en veilles, que rien ne puisse jamais le remplir ; eh bien ! un tel personnage ne croira pas le moins du monde avoir besoin qu'on le soigne ni qu'on lui indique la cause de son mal. Quand un homme a soif et que la boisson lui manque, on peut conjecturer qu'après avoir bu il cessera d'avoir soif. Mais celui qui boira continuellement et ne se désaltérera pas, nous jugerons qu'il a besoin de se purger plutôt que de se remplir, et nous lui ordonnerons de prendre un vomitif, pensant que cette disposition tient non pas à un épuisement qui le fatigue, mais à une acrimonie du sang et à un excès de chaleur qui n'est pas naturel. Promenez vos regards sur ceux qui travaillent pour gagner du bien. Quand parmi eux un homme indigent et sans ressources aura acquis un foyer, il s'arrêtera très probablement. Il s'arrêtera aussi, s'il vient à découvrir un trésor, ou si un ami l'a aidé à payer ses dettes, à se délivrer