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par exemple, les vers incomplets d'Homère, les solécismes des tragiques, les boutades inconvenantes et obscènes d'Archiloque contre les femmes, boutades qui l'ont déshonoré lui-même : un tel compilateur méritera bien certainement cette imprécation tragique :

« À qui rassemble ainsi les misères humaines
Malheur ! »

Mais sans mériter une telle malédiction, c'est faire une besogne sans profit et sans honneur, que d'aller partout recueillant les fautes d'autrui. Cela me remet en mémoire la ville que Philippe peupla des hommes les plus mauvais et les plus difficiles à conduire, et à laquelle il donna le nom de Ponéropolis. Les curieux rassemblent et réunissent, non pas dans les vers et dans les poëmes, mais dans la vie des hommes, ce qu'il y a de manqué, d'insuffisant, d'irrégulier. Leur mémoire devient un répertoire ambulant des plus vilaines choses : répertoire aussi odieux qu'il est peu poétique. De même qu'à Rome certains amateurs ne font aucun cas des peintures, des statues, ni même des belles formes des esclaves de l'un et de l'autre sexe qui sont à vendre, et qu'ils ont la singulière manie d'acheter les monstruosités, les hommes sans jambes, à bras tortus, les créatures qui ont trois yeux, celle dont la tête ressemble à celle d'une autruche ; de même qu'ils se tiennent aux aguets, cherchant à savoir s'il se trouve quelque part « D'éléments opposés quelqu'affreux assemblage » ; (et cependant, si on les menait continuellement voir de tels spectacles, ils en concevraient bientôt de la satiété et du dégoût) : de même ceux qui dans les maisons étrangères sont à la recherche de quelques mécomptes, de quelques