Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/632

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vers elle et qu'il interroge les autres femmes, Tyro, et la belle Chloris, qu'il demande quelles raisons déterminèrent Epicaste à s'étrangler, pendue au toit de son palais. Nous, au contraire, tout à fait insoucieux et ignorants pour ce qui nous touche, nous ne nous en occupons pas, mais nous dressons la généalogie des autres. Nous découvrons que le grand père de notre voisin était de Syrie ; sa nourrice, de Thrace ; qu'un tel doit trois talents, et qu'il n'en a pas payé les intérêts. Nous allons jusqu'à nous informer des plus petits détails. D'où revenait la femme d'un tel ? Quels propos celui-ci et celui-là échangeaient-ils secrètement dans un coin ? Mais de quoi Socrate s'informait-il ? Des moyens de persuasion qu'avait employés Pythagore. Lorsqu'Aristippe aux jeux Olympiques rencontre Isomaque, il le questionne sur les discours par lesquels Socrate se rend la jeunesse si affectionnée ; et quand il a recueilli quelques petits germes, quelques échantillons de cette doctrine, il s'y attache avec tant de passion que son corps succombe. Il devient tout pâle et tout maigre. Il n'a pas de repos qu'il n'ait fait voile pour Athènes. Il y apaise la soif qui le consume, il puise à la source même. Il approfondit le sage, ses discours, et sa philosophie qui enseigne aux hommes à connaître leurs défauts et à s'en débarrasser.

[3] Mais il en est pour qui leur vie particulière est le spectacle le plus odieux. Ils n'ont pas le courage de la regarder en face, de reporter la lumière de la raison sur leur conscience pour l'en éclairer. Leur âme chargée de maux de toute sorte frissonne et s'épouvante à la vue de ce qu'elle est au dedans d'elle-même. Elle ne songe qu'à s'élancer au dehors, à errer autour des misères d'autrui, cherchant pour sa malice un aliment et une pâture abondante. Car, de même que dans nos maisons une poule néglige souvent la nourriture jetée devant elle, et va dans un coin gratter et fouiller la terre, « Cherchant dans le fumier un grain de mil ou d'orge » ;