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habituer la partie animale de lui-même à attendre le temps opportun que fixerait la raison.

[21] Il y a trois manières de répondre à toute question : ne dire que le nécessaire, le dire avec bienveillance, le dire avec prolixité. Que par exemple quelqu'un demande si Socrate est chez lui, il pourra être répondu à regret et avec mauvaise humeur : « Non, il n'y est pas. » Si même on vise au laconisme on retranchera le « il n'y est pas, » et l'on dira simplement « Non. » Ainsi firent les Lacédémoniens à propos de la lettre où Philippe leur demandait s'ils le recevraient dans leur ville. Ils y écrivirent un grand NON, et ils la lui renvoyèrent. Si l'on veut répondre avec bienveillance on dira : « Il n'y est pas ; il est au quartier des changeurs. » Si l'on veut faire bonne mesure on ajoutera : « et il y attend des hôtes. » Mais écoutez l'homme prolixe et bavard, pour peu qu'il ait lu Antimaque de Colophon : « Il n'est pas chez lui, dira-t-il ; vous le trouverez au quartier des changeurs, y attendant des hôtes d'Ionie. Ces hôtes lui ont été recommandés par une lettre d'Alcibiade : car Alcibiade est à Milet, et séjourne auprès de Tissapherne. Tissapherne est un satrape du grand roi. Il soutenait autrefois les Lacédémoniens. Maintenant, grâce à l'ascendant d'Alcibiade, il se range du côté des Athéniens, et c'est Alcibiade qui, désirant revenir dans sa patrie, a changé les dispositions de Tissapherne. » Puis d'une seule traite notre bavard débitera tout le huitième livre de Thucydide, inondant le visiteur d'un déluge de paroles et ne s'arrêtant qu'à la conquête de Milet et au second exil d'Alcibiade.

C'est en de pareilles circonstances surtout qu'il faut s'abstenir du bavardage. On suivra, pour ainsi dire, la question comme pied à pied, en usant du compas et de la règle pour mesurer la réponse sur le besoin de celui qui questionne.

Carnéade, n'ayant pas encore acquis une grande célébrité, dissertait dans un gymnase. Le maître du lieu l'envoya prier de baisser sa voix, parce qu'il l'avait très forte. «