Page:Œuvres complètes de Plutarque - Œuvres morales et œuvres diverses, tome 2, 1870.djvu/623

Cette page n’a pas encore été corrigée

pour passer le temps et s'amuser, arrangent certaines questions qu'ils proposent aux bavards, et ils leur mettent aussitôt la langue en mouvement. Que l'on se tienne sur ses gardes. Au lieu de saisir soudain comme avec reconnaissance l'occasion de parler, on étudiera quelle est la tournure d'esprit du questionneur et quel besoin il peut avoir d'une réponse. S'il est évident qu'il veut en réalité s'instruire, on contractera l'habitude de procéder avec lenteur, et l'on mettra quelque intervalle entre la question et sa propre réponse. De cette manière il pourra, s'il lui plaît, ajouter quelque chose à sa question, et l'on aura soi-même le temps d'approfondir ce qui a été demandé. À quoi bon prendre les devants, comme si l'on voulait étouffer la question pendant même qu'elle se formule ? À quoi bon répondre, par trop de précipitation, à toute autre chose qu'à ce qui a été demandé ? Il est vrai que la Pythie a l'habitude, avant même qu'on l'interroge, de proférer à l'instant certains oracles. C'est que le Dieu qui l'inspire

« Entend sans que l'on parle et comprend le silence ».

Mais celui qui veut répondre avec justesse a besoin d'attendre que la pensée et l'intention de celui qui l'interroge lui soient parfaitement connues, afin qu'il n'y ait pas lieu de dire, comme dans le proverbe :

« Je demande une bêche, on me refuse une auge ».

De toute manière d'ailleurs, il faut se défendre de cette sorte d'avidité famélique avec laquelle quelques-uns se jettent sur les matières de conversation. Il ne faut pas que l'on semble avoir sur la langue un abcès formé depuis longtemps, et que l'on soit satisfait de le voir se percer à la première question posée. Socrate avait un moyen particulier de maîtriser sa soif. Après avoir exercé son corps, il ne se donnait à lui-même la permission de boire que quand il avait répandu à terre le premier seau qu'il avait puisé, voulant