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sur le trône. Le lendemain, comme Fulvius se présentait à son ordinaire chez l'empereur en lui disant : « Portez-vous bien, César. » — « Vous, Fulvius, dit ce prince, devenez sage. » Le courtisan, qui avait compris, se retira sur-le-champ pour rentrer chez lui, et faisant appeler sa femme : « L'empereur, lui dit-il, sait que je n'ai pas gardé son secret. C'est pourquoi je vais me donner la mort. » — « Ce sera justice, dit sa femme, puisqu'après avoir vécu si longtemps avec moi vous ne m'avez pas connue, et que vous ne vous êtes pas gardé de mon intempérance de langue. Mais permettez que je commence la première. » Puis, prenant une épée, elle se fit périr avant son mari.

[12] Bien sensé fut le comédien Philippidès. Le roi Lysimaque lui témoignait beaucoup de bienveillance et lui disait : « Que pourrais-je bien te donner de ce qui m'appartient ? » — « Tout ce que vous voudrez, Sire, répondit-il, excepté un de vos secrets ? »

Le bavardage est encore accompagné de la curiosité, mal non moindre. On veut entendre beaucoup de nouvelles, afin d'en avoir beaucoup à raconter. Ce sont particulièrement les secrets les plus intimes que l'on poursuit et que l'on tâche de découvrir, comme un vieil amas de matériaux destinés à alimenter son bavardage. On fait ensuite comme les enfants, qui ne peuvent pas tenir la glace dans leurs mains et ne veulent pas la lacher. Ou plutôt, ces secrets sont comme des serpents qu'on a recueillis dans son sein : on ne peut les y garder, et ils vous dévorent. Les aiguilles marines et les vipères crèvent, dit-on, lorsqu'elles font leurs petits. De même les secrets, en échappant de la bouche de ceux qui ne savent rien garder, font la perte et la ruine des révélateurs. Seleucus, surnommé Callinicus, avait perdu son armée et toutes ses forces dans une bataille qu'il avait livrée aux Galates. Ayant arraché son diadème, il fuyait à cheval accompagné de trois ou quatre officiers. Ils errèrent longtemps à travers des