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de mauvaises nouvelles. On les regarde comme dangereux, parce qu'ils ne savent pas garder de secrets. Aussi un jour Anacharsis, après avoir dîné chez Solon, s'étant endormi à table, on remarqua qu'il avait placé sa main gauche sur ses parties génitales et que sur sa bouche il avait appliqué sa main droite. C'était parce qu'il jugeait la langue comme ayant besoin d'être plus fortement comprimée. Il avait raison : car il serait difficile de compter autant d'hommes perdus par l'excès des plaisirs de l'amour, que de cités et d'empires renversés par des indiscrétions.

Sylla assiégeait Athènes, et il n'avait pas le loisir de consacrer beaucoup de temps à ce siége. Une autre expédition le pressait, attendu que Mithridate s'était emparé de l'Asie et que le parti de Marius avait repris le dessus à Rome. Voilà que quelques vieilles gens vinrent à dire dans la boutique d'un barbier, que le quartier d'Heptachalcos n'était pas bien défendu et que la ville courait risque d'être prise de ce côté.

Des espions qui avaient entendu ce propos le rapportèrent à Sylla. Celui-ci fit avancer aussitôt ses troupes, et donna l'assaut vers le milieu de la nuit. La ville fut détruite presque entièrement. Le meurtre et les cadavres la remplissaient à un tel point que le Céramique ruisselait de sang. Ce n'est pas tout. La colère du vainqueur fut plus excitée par les discours des Athéniens que par leurs actes. Ils disaient du mal de lui et de sa femme Métella. Ils montaient sur les remparts pour l'injurier, en criant :

« Sylla n'est qu'une mûre enduite de farine » ;

et ils débitaient mille autres impertinences. Mais ce plaisir de la parole, le plus léger de tous, comme dit Platon, ils le payèrent par l'expiation la plus lourde.

Quelle cause empêcha Rome de reconquérir sa liberté en se débarrassant de Néron ? Le bavardage d'un homme. Il n'y avait plus qu'une nuit. Le lendemain on devait tuer le tyran : tout était prêt. Celui qui s'était chargé de le poignarder vit, en