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qu'elle nous a pourvus de deux oreilles. Si donc Euripide a eu raison de dire à un auditeur peu intelligent :

« Je ne saurais remplir ton cerveau toujours vide,
Ni verser la raison dans une âme stupide »,

on dirait plus judicieusement encore au bavard, ou plutôt à propos du bavard :

« Je ne saurais remplir oreille toujours vide,
Ni verser la raison dans une âme stupide ».

Disons mieux : « ni verser des paroles dans les oreilles d'un homme qui parle sans être écouté et qui n'écoute pas quand on lui parle. »

Si par hasard il prête un instant son attention, ce n'est qu'un mouvement de reflux : car il va bientôt redonner au centuple ce qu'il a reçu. À Olympie on montre un portique qui répète plusieurs fois les mots, et qu'on appelle l'heptaphone. Que l'oreille du bavard reçoive une seule parole, sur-le-champ il en répète mille, et ainsi « Dans l'âme fait vibrer mille cordes muettes ».

Ne se peut-il pas que les oreilles de ces sortes de gens soient percées non pas dans la direction du cerveau, mais dans celle de la langue ? Au lieu de conserver les paroles qu'ils entendent les bavards les laissent s'écouler aussitôt. Ce sont des vases pleins de sons et vides de sens, qui vont et viennent.

[2] Que si donc il paraît convenable de ne négliger aucune tentative, disons au bavard :

« Sache te taire, enfant : le silence a du bon. »

Ce qu'il a de bon, avant tout, et de très bon, c'est que, grâce à lui, on écoute et l'on se fait écouter : double avantage dont ne sauraient profiter les bavards puisqu'ils sont toujours préoccupés de la même manie. Les autres maladies de l'âme, telles que l'avarice, la passion de la gloire,