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DU TEMPLE DE DELPHES.

ques-uns, étaient au nombre de cinq : Chilon, Thalès, Solon, Bias et Pittacus. Plus tard Cléobule, tyran de Linde, et ensuite Périandre le Corinthien, sans avoir aucun mérite de vertu ni d’instruction, surent, grâce à leur puissance, à leurs amis, à leurs libéralités, faire violence à l’opinion, et ils se glissèrent dans cette liste de sages. Ils émirent, eux aussi, quelques pensées, quelques paroles semblables à celles des cinq premiers, et ils les répandirent dans la Grèce. Nos sages indignés ne voulurent pas toutefois confondre une telle insolence et engager ouvertement une lutte de gloire avec des hommes puissants dont ils encourraient la haine. Mais ils se réunirent tous les cinq à Delphes ; et après avoir conféré ensemble, ils mirent sur le frontispice du temple la lettre Ε, à savoir la cinquième de l’alphabet, celle qui exprime le nombre cinq. C’était, en ce qui les regardait personnellement, prendre le Dieu à témoin qu’ils n’étaient que cinq ; c’était aussi désavouer le sixième et le septième, et les rejeter comme indignes de leur être associés. On reconnaîtra que cette explication n’est pas hasardée, si l’on a entendu les prêtres chargés de la garde du temple. Ils appellent l’ΕΙ qui est en or, ΕΙ de Livie, la femme d’Auguste. L’ΕΙ qui est en bronze, porte le nom de ΕΙ des Athéniens ; enfin le premier et le plus ancien, qui est en bois, on le nomme encore aujourd’hui l’ΕΙ des Sages, comme n’ayant pas été dédié par un, mais par tous les cinq ensemble. »

4. Alors Ammonius se mit à sourire doucement : il soupçonnait que Lamprias venait d’émettre une opinion toute personnelle, qu’il avait imaginé cette histoire, et que s’il disait en avoir entendu raconter les détails par d’autres, c’était afin de n’avoir pas à en soutenir la responsabilité. Un autre des assistants dit que ce récit ressemblait à l’explication frivole donnée récemment par un étranger Chaldéen[1] : à savoir, que parmi toutes les lettres de l’alphabet il y en a sept qui émettent un son, une voix, par elles-mêmes ; que le ciel compte sept planètes qui opèrent leur mouvement d’une

  1. Amyot ajoute : « et astrologue de profession ».