Que penses-tu que serait un État composé d’archers et de joueurs de flûte habiles et aussi d’athlètes et d’artisans de toute sorte, avec lesquels seraient mêlés les gens dont nous parlions tout à l’heure, qui s’entendent à faire la guerre et à mettre à mort, et aussi des orateurs gonflés de leurs talents politiques, si tous ces gens-là étaient dépourvus de la connaissance du bien et que personne ne sût quand il est bon de se servir de chacun de ces arts et à l’égard de qui ?
Je pense, Socrate, qu’il ne vaudrait pas cher.
Tu aurais le droit de le dire, je pense, en voyant chacun d’eux mettre son point d’honneur et assigner la plus large part de son activité de citoyen à ce « en quoi il se surpasse lui-même 7 », c’est-à-dire à ce que son art produit de mieux, tandis que sur ce qui est le meilleur pour l’État et pour lui-même, il se trompe la plupart du temps, parce que, je présume, il se fie sans réflexion à l’opinion. Dans ces conditions, n’aurions-nous pas raison de dire qu’un tel État est plein de désordre et d’anarchie ?
Nous aurions bien raison, par Zeus.
Or, n’avons-nous pas admis qu’il faut d’abord de toute nécessité que nous croyions savoir ou que nous sachions réellement ce que nous sommes disposés à faire ou à dire ?
Nous l’avons admis.
Et si quelqu’un fait ce qu’il sait ou croit savoir, et qu’il y joigne la science de l’utile, ne trouverions-nous pas qu’il est utile à l’État et à lui-même ?
Certainement.