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sous-maîtres de chœur, attachés obliquement aux anneaux qui tiennent à la Muse. Tel poète tient à une Muse, tel autre à une autre, et nous appelons cela être possédé, parce que c’est quelque chose comme une possession, puisque le poète appartient à la Muse ; puis à ces premiers anneaux, les poètes, d’autres sont attachés à leur tour et reçoivent l’inspiration de tel ou tel, les uns d’Orphée, les autres de Musée ; mais la plupart sont attachés et tiennent à Homère. Tu es l’un de ceux-là, Ion, tu dépends d’Homère, et, lorsqu’on chante un poème de quelque autre poète, tu dors et n’as rien à dire ; mais qu’un chant de ce poète résonne à tes oreilles, aussitôt tu t’éveilles, ton âme entre dans la danse et les idées se présentent en foule ; car ce n’est pas par art ni par science que tu parles d’Homère, mais par une dispensation et une possession du dieu. Semblable aux Corybantes qui ne sont prompts à saisir que l’air du dieu dont ils sont possédés et qui trouvent pour accompagner cet air toutes sortes de figures et de paroles, tandis qu’ils restent insensibles aux autres airs, toi aussi, Ion, quand il est question d’Homère, tu es intarissable, mais à sec quand il est question des autres ; et, puisque tu veux savoir la cause de ta facilité à parler d’Homère et de ton embarras à propos des autres, c’est que ce n’est point à l’art, mais à un don du dieu que tu dois ton habileté à louer Homère.

Ion

VIII. — C’est bien parler, Socrate. Néanmoins je serais surpris si tu parlais assez bien pour me persuader que je suis possédé et hors de sens quand je fais l’éloge d’Homère ; et toi-même sans doute tu ne le penserais pas, si tu m’entendais parler d’Homère.

Socrate

Sans doute je veux t’entendre, mais pas avant que tu m’aies répondu sur ce point : parmi les choses dont il est question dans Homère, sur laquelle parles-tu bien ? pas sur toutes, je pense.

Ion