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vous chantez les poèmes ; moi, je ne sais que dire la vérité, comme il convient à un profane. Par exemple, à propos de la question que je viens de te faire, considère comme c’est simple, vulgaire, à la portée d’un chacun, de connaître ce que je disais, que la même méthode sert à juger de tout, quand on embrasse un art dans son ensemble. Faisons de ce point l’objet de notre discours : il y a bien un art général de la peinture ?

Ion

Oui.

Socrate

Il y a et il y a eu, n’est-ce pas, beaucoup de peintres, bons et mauvais ?

Ion

Assurément.

Socrate

Or as-tu déjà vu un homme qui soit capable de faire voir chez Polygnote, fils d’Aglaophon, ce qui est bien peint et ce qui ne l’est pas, et qui en soit incapable pour les autres peintres, et qui, mis en présence des ouvrages des autres peintres, s’endorme, soit embarrassé et ne puisse contribuer à la conversation, et qui, au contraire, quand il faut donner son avis sur Polygnote ou tel autre peintre unique que tu voudras, s’éveille, s’intéresse à l’entretien et sent affluer les idées ?

Ion

Non, par Zeus, non.

Socrate

Et en sculpture, as-tu déjà vu un homme qui soit capable de détailler les qualités de Dédale, fils de Métion, d’Épéos, fils de Panopeus, de Théodore de Samos, ou de quelque autre sculpteur particulier, et qui, à propos des œuvres des autres sculpteurs, soit embarrassé, s’endorme et ne sache que dire ?

Ion

Non, par Zeus, je n’en ai pas vu non plus.