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SOCRATE

IV. — Mais laissons cela et revenons en arrière. J’ai dit, n’est-ce pas ? au début de notre entretien qu’il fallait examiner ce que peuvent bien être les fous et les hommes sensés. Car nous sommes tombés d’accord qu’il y a des uns et des autres, n’est-ce pas ?

ALCIBIADE

Oui, nous en sommes tombés d’accord.

SOCRATE

Eh bien, ne regardes-tu pas comme sensés ceux qui savent ce qu’il faut faire et dire ?

ALCIBIADE

Si.

SOCRATE

Et qui regardes-tu comme insensés ? N’est-ce pas ceux qui ne savent ni l’un ni l’autre ?

ALCIBIADE

Ce sont ceux-là.

SOCRATE

Et ceux qui ne savent ni l’un ni l’autre ne diront et ne feront-ils pas sans s’en douter ce qu’il ne faut pas ?

ALCIBIADE

Apparemment.

SOCRATE

C’est justement parmi ceux-là, Alcibiade, que je rangeais Œdipe. Mais, parmi nos contemporains, tu en trouveras aussi beaucoup qui, sans être en colère comme lui, croient demander aux dieux pour eux-mêmes, non des maux, mais des biens. Lui ne demandait pas des biens et ne croyait pas non plus en demander, mais il y en a d’autres qui font tout le contraire. Je pense en effet que toi, tout le premier, si le dieu que tu vas prier t’apparaissait et qu’il te demandât, avant que tu fasses aucune prière, si tu serais content de devenir roi de l’État athénien, et que, si le présent te paraissait mesquin et trop mince, il ajoutât « de toute la Grèce », puis que, te voyant encore peu satisfait à moins qu’il ne te promît