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le même embarras que tout à l’heure, quoique nous pensions avoir trouvé une autre solution.

HIPPIAS

Que veux-tu dire par là, Socrate ?

SOCRATE

Je vais t’expliquer l’idée qui m’apparaît : tu jugeras si elle a quelque valeur. Peut-être pourrait-on montrer que nos impressions relatives aux lois et aux coutumes ne sont point d’une autre sorte que les sensations qui nous viennent de l’ouïe et de la vue. Mais bornons-nous à soutenir cette thèse que le plaisir de ces sensations est le beau, sans y mêler ce qui regarde les lois. Mais si l’on nous demandait, soit l’homme dont je parle, soit tout autre « Pourquoi donc, Hippias et Socrate, faites-vous une distinction entre le plaisir en général et le plaisir en particulier que vous appelez beau, et pourquoi prétendez-vous que les plaisirs des autres sensations, ceux du manger et du boire, ceux de l’amour et tous les autres du même genre, ne sont pas beaux ? Est-ce que ce ne sont pas des choses agréables et pouvez-vous soutenir que les sensations de cette espèce ne causent absolument aucun plaisir et qu’on n’en trouve que dans la vue et dans l’ouïe ? », que répondrions-nous, Hippias ?

HIPPIAS

Nous répondrions sans hésiter, Socrate, qu’on trouve aussi dans les autres sensations de très grands plaisirs.

SOCRATE

« Pourquoi donc, reprendra-t-il, alors que ces plaisirs ne sont pas moins des plaisirs que les autres, leur ôtez-vous le nom de beaux et les privez-vous de cette qualité ? — C’est que, dirons-nous, tout le monde se moquerait de nous, si nous disions que manger n’est pas agréable, mais beau, et qu’une odeur suave n’est pas chose agréable, mais belle. Quant aux plaisirs de l’amour, tout le monde nous soutiendrait qu’ils sont très agréables, mais que, si on veut les goûter, il faut le faire de manière à n’être vu de personne, parce qu’ils sont très laids à voir. » Si nous lui disons cela, notre homme nous répondra peut-être, Hippias : « Je m’aperçois bien moi-même que si, depuis un moment, vous rougissez de dire que ces plaisirs sont beaux, c’est qu’ils ne passent point pour tels dans l’esprit des hommes. Mais moi, je ne vous demandais pas ce que le vulgaire trouve beau, mais ce qu’est le beau. » Nous lui répondrons, je pense, suivant la définition que nous avons proposée, que nous appelons beau, nous, cette partie de l’agréable qui nous vient par la vue et par l’ouïe. Approuves-tu cette réponse, ou répondrons-nous autre chose, Hippias ?

HIPPIAS

Etant donné ce qui a été dit, Socrate, on ne peut pas répondre autr