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même le vertige devant une question si embarrassante. Il se pourrait, selon le vieil adage, que l’ami soit le beau. C’est en tout cas un je ne sais quoi de mou, de lisse et de poli, et c’est pour cela sans doute qu’il nous glisse si facilement entre les doigts et nous échappe ; c’est l’effet de sa nature. Je dis donc que le bon est beau. Qu’en penses-tu, toi ?

— Je le crois aussi.

— Dès lors, cédant à une sorte de divination, j’avance que ce qui n’est ni bon ni mauvais est l’ami du beau et du bon. Écoute sur quoi j’appuie ma conjecture. Il me semble qu’il existe trois genres : le bon, le mauvais, et ce qui n’est ni bon ni mauvais. Que t’en semble à toi ?

— Je suis de ton avis, dit-il.

— Or ni le bon n’est ami du bon, ni le mauvais du mauvais, ni le bon du mauvais : les raisons que nous venons d’en donner s’y opposent ; reste donc, si l’amitié existe entre deux êtres, que ce qui n’est ni bon ni mauvais soit l’ami du bon ou de ce qui est de même nature que le bon lui-même ; car on ne saurait, n’est-ce pas, devenir l’ami du mauvais ?

— C’est juste.

— Le semblable non plus ne peut devenir l’ami du semblable, nous l’avons dit tout à l’heure. N’est-ce pas vrai ?

— Si.

— L’être qui n’est ni bon ni mauvais ne saurait donc avoir pour ami un être tel que lui.

— Il ne semble pas.

— Il s’ensuit donc que ce qui n’est ni bon ni mauvais ne peut devenir l’ami que du bon seul.

— C’est forcé, à ce qu’il semble.

XIV. — Eh bien ! mes enfants, dis-je, ce qui vient d’être dit ne nous met-il pas sur la bonne voie ? Prenons un exemple : le corps en bonne santé n’a aucun besoin de la médecine ni d’aucun autre secours ; il se suffit à lui-même ; et, quand on est bien portant, on n’aime pas le médecin en raison de sa santé, n’est-ce pas ?

— Non.