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dans son délire, demanda aux dieux que ses fils se partageassent son héritage par les armes. Œdipe était fou, dit Alcibiade. Sur cette objection, Socrate démontre par une série de questions qui nous semblent aussi fastidieuses qu’inutiles, qu’il y a toutes sortes de folies, opposées au bon sens, que les insensés sont le plus grand nombre et les gens sensés le petit nombre. Ceux-là sont sensés qui savent ce qu’il faut dire ou faire, c’est-à-dire ce qui est bon et utile. Sans cette connaissance, toutes les autres ne sont propres qu’à nous égarer. C’est celle-là qu’Alcibiade doit acquérir avant de prier. Alcibiade ne demande qu’à s’instruire et il remercie Socrate de ses conseils en lui mettant une couronne sur la tête.

Ce médiocre dialogue est-il de Platon ? Peut-on le ranger parmi ses œuvres de jeunesse ou faut-il y voir une œuvre postérieure ? C’est bien ainsi que Platon procède dans ses dialogues, où Socrate, par une série de questions, amène son interlocuteur à reconnaître son ignorance. Le passage où Socrate suppose que le dieu offre à Alcibiade de satisfaire son ambition pourrait, à la rigueur, être la première esquisse du passage du premier Alcibiade, où Socrate fait entendre au jeune homme qu’il a deviné son ambition démesurée. L’admiration que Platon professait pour Lacédémone se retrouve dans l’éloge de la manière de prier des Lacédémoniens, et il y a même dans ces deux passages quelque ombre de l’agrément du style de Platon. Mais ce qu’on ne retrouve pas dans le second Alcibiade, c’est la force du raisonnement, c’est l’habile conduite de la discussion, c’est l’ironie et l’esprit dont elle est ordinairement égayée, c’est la peinture des caractères. Aussi, bien que le style rappelle celui de Platon, la plupart des critiques pensent que ce dialogue n’est pas de Platon et qu’il faut le rapporter aux imitations que les Platoniciens firent des œuvres du maître au troisième ou au deuxième siècle avant notre ère. Ce serait Thrasyllos, le savant ami d’Auguste, qui l’aurait incorporé dans son édition des ouvrages de Platon. Il se peut que ces critiques aient raison ; mais il se peut aussi