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pas tous leur besogne propre ? N’avons-nous pas depuis longtemps attesté qu’elle est simplement la science de la science et de l’ignorance et rien de plus ? N’est-ce pas vrai ?

— Il semble bien.

— Elle ne saurait donc nous procurer la santé ?

— Non, assurément.

— Car la santé relève d’un autre art, n’est-ce pas ?

— Oui.

— Elle est donc incapable aussi de nous être utile, camarade, puisque c’est à un autre art que nous venons d’attribuer cet office. Est-ce vrai ?

— Sans doute.

— Comment donc la sagesse nous serait-elle utile, si elle ne nous procure aucune utilité ?

— Elle ne saurait l’être, Socrate, à ce qu’il me semble.

XXIII. — Vois-tu maintenant, Critias, combien j’avais raison de craindre depuis un bon moment et combien j’étais fondé à m’accuser moi-même de ne rien tirer de bon de mon enquête sur la sagesse ? Autrement nous n’aurions pas trouvé que la plus belle des choses, de l’aveu de tous, nous est inutile, si j’étais tant soit peu habile à conduire une enquête. A présent, nous voilà battus sur toute la ligne et nous sommes hors d’état de découvrir à quelle réalité le créateur du langage a appliqué ce mot de sagesse. Et cependant nous avons fait plusieurs concessions qui ne devaient pas trouver place dans notre argumentation. Nous avons admis que la sagesse était la science de la science, bien que la raison nous le défendît et en niât la possibilité. Et à cette science nous avons de plus accordé le pouvoir de connaître les opérations des autres sciences, bien que la raison ne le permît pas davantage, afin que notre sage pût connaître qu’il sait ce qu’il sait et qu’il ne sait pas ce qu’il ne sait pas. Cette concession, nous l’avons faite avec une libéralité sans réserve et sans considérer qu’il est impossible d’avoir la moindre connaissance d’une chose qu’on ignore absolument ; car notre concession affirme