Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée

la science, je le conçois ; car la sagesse, toujours en éveil, ne laisserait pas l’ignorance se glisser parmi nous et collaborer à nos travaux. Mais que vivre suivant la science soit vivre bien et être heureux, c’est ce que je ne peux pas encore savoir, mon cher Critias.

XXII. — Cependant, reprit-il, tu auras de la peine à trouver un, autre moyen d’atteindre le bonheur, si tu rejettes la science.

— Encore un mot d’explication, repris-je. Quel est l’objet de cette science ? Est-ce le découpage du cuir ?

— Non, par Zeus.

— Est-ce le travail de l’airain ?

— Pas du tout.

— Est-ce le travail de la laine, du bois ou de quelque autre matière du même genre ?

— Non, certes.

— Alors, nous nous écartons de notre principe qu’être heureux c’est vivre selon la science, puisque tu ne veux pas convenir que ces artisans qui vivent selon la science soient heureux, et que tu ne reconnais pour tel que celui qui vit selon certaines sciences. Peut-être as-tu en vue celui dont je parlais tout à l’heure, celui qui sait tout ce qui doit arriver, le devin. Est-ce de lui ou d’un autre que tu veux parler ?

— De celui-là et d’un autre, dit-il.

— Lequel ? demandai-je. Ne serait-ce pas d’un homme qui, outre l’avenir, connaîtrait tout le passé et le présent et à qui rien n’échapperait ? Supposons qu’un tel homme existe. Je ne crois pas que tu puisses en citer un autre qui vive plus conformément à la science.

— Non, assurément.

— Il y a une chose que je voudrais savoir encore : quelle est, parmi les sciences, celle qui le rend heureux ? ou bien y contribuent-elles toutes également ?

— Non, pas également, dit-il.

— Alors quelle est celle qui y contribue le plus ? et que sait-elle, parmi les choses présentes, passées et futures ? Est-ce la science du trictrac ?