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si chacun de nous faisait les choses qu’il sait et s’en remettait, pour,-ce qu’il ne sait pas, à ceux qui savent.

— Eh bien, dit-il, n’avions-nous pas raison ?

— Il me semble que non, dis-je.

— Ce que tu dis là, Socrate, reprit-il, est véritablement étrange.

— Par le chien, m’écriai-je, je suis bien de ton avis, et c’est en considérant cela tout à l’heure que je disais que certaines conséquences étranges m’apparaissaient et que j’avais peur d’avoir mal conduit notre enquête. Car, en vérité, quand même la sagesse serait ce que nous avons dit, je ne vois pas du tout quel bien elle nous fait.

— Que veux-tu dire ? demanda-t-il. Parle, que nous sachions ce que tu penses.

— Je pense, répondis-je, que j’extravague. Néanmoins, quand une idée se présente, il faut l’examiner et ne pas la lâcher légèrement, si l’on a quelque souci de soi-même.

— Tu as raison, dit-il.

XXI. — Ecoute donc mon songe, dis-je, qu’il soit venu par la porte de corne ou par la porte d’ivoire. En supposant que la sagesse, telle que nous la définissons à présent, exerce sur nous un empire absolu, qu’en résulterait-il ? Que tous nos actes seraient conformes aux sciences, qu’aucun homme, se donnant pour pilote sans l’être, ne pourrait nous tromper, qu’aucun médecin, en général, ni personne autre, simulant un savoir qu’il n’a pas, ne pourrait nous abuser. Si les choses en allaient ainsi, qu’en résulterait-il pour nous, sinon d’être mieux portants qu’à présent, d’échapper plus sûrement aux dangers de la mer et de la guerre, d’avoir toujours des ustensiles, des vêtements, des chaussures, bref toutes nos affaires, et beaucoup d’autres choses encore, artistement fabriquées, parce que nous n’emploierions que de vrais artisans ? Si tu veux même, accordons encore que la divination est la science de l’avenir et que, si la sagesse la guidait, elle écarterait les charlatans et donnerait place aux vrais devins pour annoncer l’avenir. Que, dans ces conditions, le genre humain se conduisît et vécût selon