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chercher une ressemblance de la sagesse aux autres sciences. Cette ressemblance n’existe pas : toutes les autres sciences sont des sciences de quelque autre chose qu’elles-mêmes, au lieu que la sagesse est la science des autres sciences et d’elle-même en même temps. Tu ne l’ignores pas, tant s’en faut ; mais en réalité tu fais, je crois, ce dont tu te défendais tout à l’heure : tu ne cherches qu’à me réfuter, sans te préoccuper de l’objet de la discussion.

— Quelle idée te fais-tu là ? m’écriai-je. Tu t’imagines que, si je mets tant d’application à te réfuter, c’est en vue d’un autre but que de m’examiner moi-même pour me rendre compte de ce que je dis, de peur de croire aveuglément que je sais une chose que je ne sais pas. Et c’est ce qu’en ce moment même je fais encore, tu peux m’en croire : si je fais cette enquête, c’est avant tout dans mon propre intérêt, et peut-être aussi dans l’intérêt de mes amis. N’est-ce pas en effet un bien qu’on peut dire commun à tout le monde de connaître clairement la nature de chaque chose ?

— J’en suis persuadé, Socrate, dit-il.

— Rassure-toi donc, bienheureux Critias, repris-je, et réponds à mes questions selon ce qui te paraît être la vérité, sans t’inquiéter si c’est Critias ou Socrate qui a le dessus. Applique ton attention à la question même et ne considère que le résultat auquel aboutira notre examen.

— C’est ce que je vais faire, dit-il, car ce que tu dis me paraît juste.

— Dis-moi donc, repris-je, ce que tu penses de la sagesse.

XV. — Eh bien, je pense, reprit-il, que seule de toutes les sciences, la sagesse est la science d’elle-même et des autres sciences.

— Donc, repris-je, elle serait aussi la science de l’ignorance, si elle l’est de la science.

— Assurément, dit-il.

— En ce cas, le sage seul se connaîtra lui-même et sera seul capable de juger et ce qu’il sait et ce qu’il ne sait pas, et il sera de même capable d’examiner les autres et de voir