belles et utiles, voilà ce qu’il appelait travailler et c’est les fabrications de cette sorte qui étaient pour lui des travaux et des actions. Il faut affirmer que les affaires propres à chacun, c’étaient pour lui celles-là seulement, et que tout ce qui est nuisible lui paraissait étranger. Aussi faut-il penser qu’Hésiode, comme tous les hommes sensés, appelait sage celui qui fait ses propres affaires.
XI. — Ah ! Critias, dis-je, dès tes premiers mots je crois avoir saisi ta pensée et que tu appelais bonnes les choses qui nous sont propres et qui nous regardent et que par action tu entendais la création des choses bonnes ; car j’ai entendu Prodicos faire mille distinctions entre les mots. Quant à moi, je te laisse libre de prendre les mots au sens que tu voudras ; montre-moi seulement à quoi tu appliques ceux que tu emploies. Maintenant reviens en arrière et donne-moi une définition plus nette ; est-ce de faire les choses bonnes ou de les fabriquer, ou quel que soit le terme qui te plaira, est-ce cela que tu appelles la sagesse ?
— Oui, dit-il.
— Donc celui qui fait le mal n’est pas sage, mais celui qui fait le bien.
— Et toi, mon excellent ami, dit Critias, n’es-tu pas de cet avis ?
— Ne t’inquiète pas de cela, dis-je ; nous n’avons pas à examiner ce que je pense, mais ce que tu dis, toi, à présent.
— Eh bien, moi, dit-il, je soutiens que celui qui ne fait pas le bien, mais le mal, n’est pas sage et que celui qui fait le bien, et non le mal, est sage, et pour définir nettement la sagesse, je dis qu’elle consiste à faire le bien.
— Il est bien possible que tu aies raison ; mais il y a, dis-je, une chose qui m’étonne, c’est que tu crois que des gens sages puissent ne pas savoir qu’ils sont sages.
— Mais je ne le crois pas du tout, dit-il.
— Tout à l’heure, repris-je, ne disais-tu pas que rien n’empêchait les artisans d’être sages, même en faisant les affaires des autres ?