Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/348

Cette page n’a pas encore été corrigée

qui t’empêche de feindre à ses yeux que tu connais un remède pour le mal de tête ?

— Rien, dis-je ; qu’il vienne seulement.

— Eh bien, il va venir », dit-il.

IV. — Il vint en effet, et son arrivée donna lieu à une [155c] scène plaisante. Chacun de nous qui étions assis poussa précipitamment son voisin, pour faire une place, dans l’espoir que le jeune homme viendrait s’asseoir à ses côtés, tant et si bien que, des deux hommes assis à chaque bout, l’un fut contraint de se lever et que l’autre fut culbuté de côté. Lui vint s’asseoir entre Critias et moi. A ce moment, mon ami, je me sentis embarrassé et je perdis l’assurance que j’avais jusqu’alors de m’entretenir avec lui tout à mon aise. Mais lorsque, Critias lui ayant dit que j’étais l’homme qui connaissait le remède, il tourna vers moi [155d] un regard d’une expression indicible et se disposa à me questionner, tandis que tous ceux qui étaient dans la palestre formaient autour de nous un cercle complet, alors, mon noble ami, j’aperçus ses formes sous son manteau, je me sentis brûler, transporter hors de moi et je songeai que Cydias était un maître en amour, lorsqu’à propos d’un bel enfant il donnait ce conseil :

« Garde-toi de devenir comme un faon devant le lion : il te saisirait et tu serais sa [155e] provende »,

car je me sentais au pouvoir d’un fauve de cette espèce.

Cependant quand il me demanda si je connaissais le remède contre le mal de tête, je lui répondis, bien qu’avec peine, que je le connaissais :

« Quel est-il donc ? » fit-il.

Je lui répondis que c’était une feuille, mais qu’il fallait ajouter au remède une incantation ; que, si on la prononçait en même temps qu’on prenait le remède, on recouvrait entièrement la santé, mais que sans l’incantation la feuille n’avait aucun effet.

[156a] Alors lui : « Je vais donc, dit-il, copier la formule sous ta dictée.

— Est-ce de gré, lui dis-je, ou de force que tu veux l’avoir ?