Platon, tel nous le retrouvons ici. Il s’informe d’abord des jeunes gens qui se distinguent par leur beauté et par leurs aptitudes intellectuelles. Il est comme tous les Grecs très sensible à la beauté. Il se trouble même en présence de Charmide. Mais la beauté physique passe vite au second plan. C’est de la beauté morale avant tout que Socrate est épris. S’il s’adresse de préférence aux jeunes gens, c’est qu’il sait la puissance de l’éducation et que c’est par la jeunesse qu’on peut renouveler les mœurs d’une nation, tâche dont il a fait le but de sa vie. Comment s’y prend-il pour attirer à lui la jeunesse ? Regardons-le faire avec Charmide. Il lui prodigue les éloges, ou plutôt à ses ancêtres, pour l’engager à ne pas dégénérer, puis il lui conte une histoire ingénieuse, celle de l’incantation du médecin thrace, pour le persuader de recevoir ses leçons. Il mène ensuite la discussion en l’encourageant, en l’excusant, s’il est à court. Quand enfin, d’interlocuteur, Charmide est devenu simple témoin, Socrate discute avec Critias sans se départir jamais de son calme et de sa courtoisie. Critias lui reproche brutalement de ne viser qu’à le réfuter sans se préoccuper de l’objet de la discussion. Il proteste doucement et fermement avec une franchise qui oblige Critias à se rendre. Si la discussion n’aboutit pas, il en rejette la faute sur lui-même, pour ne pas humilier son interlocuteur. Mais sa courtoisie n’exclut pas la malice et l’ironie. Le Charmide n’est pas, comme le Lachès, un dialogue à la manière du théâtre, où nous entendons les personnages eux-mêmes ; c’est un dialogue raconté par Socrate lui-même. Dans le récit, Platon lui prête beaucoup de grâce et d’esprit et une ironie légère qui s’échappe en remarques malicieuses et fines ; dans le dialogue il le peint, comme partout ailleurs, comme un philosophe détaché de toute vanité et uniquement épris de la vérité. L’authenticité du Charmide n’est plus guère contestée. Elle l’a été jadis par Ast, suivi par Socher. Entre autres arguments qu’Ast a fait valoir, c’est que Platon nous y apparaît comme un vaniteux qui fait parade de sa noblesse *.
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