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des choses qu’aperçoivent les autres vues, mais qui serait la vue d’elle-même et des autres vues et de ce qui ne serait pas vue, une ouïe de l’ouïe et de ce qui n’est pas ouïe, qui n’entend pas les sons ; et Socrate accumule les exemples pour faire voir ce qu’il y a de contradictoire et d’impossible dans cette conception d’une science de la science.

A supposer d’ailleurs qu’elle fût possible, cette science ne paraît pas utile. Car elle ne peut pas nous faire connaître ce que nous savons et ce que nous ne savons pas, mais seulement que nous savons et ne savons pas. Elle est également incapable de nous faire connaître ce que les autres savent ou ne savent pas. Cela serait vraiment avantageux ; mais cet avantage, les sciences particulières seules peuvent nous les procurer. Socrate ne s’arrête pas là. Les sciences, dit-il, peuvent nous rendre de multiples services ; mais elles sont incapables de nous assurer le bonheur. Les artisans qui vivent selon la science ne sont pas heureux pour cela. Il n’y a qu’une science qui puisse nous rendre heureux, c’est la science du bien et du mal. Mais la science du bien et du mal n’est pas la sagesse, puisque la sagesse est la science de la science et d’elle-même.

Ainsi des quatre définitions successivement examinées aucune n’est satisfaisante, et Socrate avoue qu’il a dû mal conduire son enquête et qu’il est un piètre chercheur. Mais cet aveu ne convainc pas Charmide et il demande à Socrate de le recevoir comme disciple, pour qu’il lui applique l’incantation qui doit le rendre sage.

Ainsi, comme le Lachès et le Lysis, avec lesquels il a tant d’analogies, le Charrnide reste sans conclusion. Qu’est-ce que Platon pouvait se proposer en écrivant de tels ouvrages ? Que pouvaient en penser les contemporains qui les lisaient, en constatant que l’auteur n’arrivait pas à faire la lumière sur l’objet de ses recherches ? Ils avaient certainement plaisir à voir discuter avec Socrate les personnages les plus considérables d’Athènes, à les retrouver sous les traits qu’ils avaient dans la réalité, à voir leur fatuité confondue par la subtile et insidieuse