Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/33

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

grâce. Tels sont l’Hippocrate du Protagoras, qui ne peut contenir son impatience d’entendre l’illustre sophiste, Charmide, Lysis et le beau Phèdre. Taine a dépeint en termes exquis le charme de ces jeunes figures dans ses Essais de critique et d’histoire.

D’autres, plus âgés, sont des disciples tendrement attachés au maître qu’ils vénèrent, et pour qui rien n’est plus doux que de parler et d’entendre parler de lui. C’est Phédon qui se plaît ainsi à se souvenir de Socrate, c’est Apollodore qui sanglote à la vue de la ciguë qu’on apporte, c’est Chairéphon qui s’élance vers lui, quand il revient de Potidée, c’est Criton, son ami d’enfance, Simmias et Cébès, Théétète, chacun avec un caractère distinctif qui le signale à notre sympathie.

Il faut faire une place à part à Alcibiade, dont les talents et le prestige avaient vivement frappé Platon en ses jeunes années. Alcibiade figure dans les deux dialogues qui portent son nom ; mais ce n’est point là qu’il faut le considérer ; il n’y est représenté que comme un écolier docile et sans personnalité. Il en a une, au contraire, et d’une originalité surprenante, dans le Banquet. Quand il entre dans la salle où Agathon a réuni ses amis, il est fortement pris de vin, ce qui excusera l’audace de certains aveux qu’on ne fait pas de sang-froid. À son allure tapageuse, à l’ascendant qu’il prend tout de suite sur la compagnie, on reconnaît l’enfant gâté des Athéniens, sûr qu’on lui pardonnera, qu’on applaudira même ses caprices. Mais cet enfant gâté, que la faveur populaire a perdu, a l’âme la plus généreuse et l’esprit le plus pénétrant. Un moment disciple de Socrate, il l’a quitté pour la politique ; mais il ne peut l’entendre sans être remué jusqu’au fond de son âme et sans se reprocher l’inconséquence de sa conduite, et il fait de lui le plus magnifique éloge qu’on ait jamais fait d’un homme.

C’est grâce à lui que nous connaissons la puissance de séduction des discours de Socrate, son endurance physique incroyable, son courage et son sang-froid dans le danger, la profondeur de sa réflexion qui lui fait oublier le boire