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Le navire sur lequel il servait comme épibate avait abordé un transport. Il combattait avec une faux emmanchée sur une lance, car il devait avoir une arme supérieure, étant lui-même supérieur aux autres. Ce n’est pas la peine de rapporter ses autres exploits, je dirai seulement ce qui advint de cette invention de la faux fixée au bout d’une lance. Pendant le combat, la faux s’accrocha dans les agrès du navire ennemi et y resta prise. Stésilaos la tirait pour la dégager, mais n’y parvenait pas. Cependant les deux vaisseaux passaient l’un près de l’autre. Pendant ce temps, Stésilaos courait le long du bord sans lâcher sa lance ; puis, comme le transport avançait le long de notre navire et l’entraînait lui-même avec sa lance, il la laissa glisser dans sa main, jusqu’à ce qu’il ne la tînt plus que par l’extrémité du manche. On riait, on applaudissait sur le transport en voyant son attitude, puis quelqu’un ayant lancé une pierre qui tomba sur le pont devant ses pieds, il lâcha sa lance ; alors l’équipage même de la trière ne se contint plus et éclata de rire, en voyant la lance pendre avec sa faux au flanc du navire ennemi. Il se peut que cet art ait quelque valeur, comme le prétend Nicias ; pour moi, je vous dis ce que j’ai vu.

VIII. — Je répète donc ce que j’ai dit en commençant que ce soit une science, mais de si peu d’utilité, ou que ce ne soit pas une science, bien qu’on prétende et qu’on feigne que c’en est une, elle n’a pas assez de prix pour qu’on se donne la peine de l’étudier. Je suis persuadé pour ma part qu’un lâche qui croirait la connaître et en prendrait plus d’assurance n’en montrerait que mieux sa lâcheté, et qu’un brave, observé par les spectateurs, ne pourrait commettre la moindre faute sans s’exposer aux méchants propos ; car on provoque l’envie quand on professe une telle science, en sorte que celui qui n’a pas sur les autres une prodigieuse supériorité de courage, ne saurait échapper au ridicule, du moment qu’il prétend posséder cette science.

Voilà mon opinion, Lysimaque, sur l’intérêt que présente