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SOCRATE

Mais toi, Euthyphron, au nom de Zeus, crois-tu connaître assez exactement ce que sont les lois divines et la piété et l’impiété, pour ne pas craindre, les choses s’étant passées comme tu le racontes, de commettre à ton tour une impiété en faisant un procès à ton père ?

EUTHYPHRON

Je ne serais bon à rien, Socrate, et Euthyphron ne se distinguerait en rien du commun des hommes, si je ne savais pas exactement tout cela.

SOCRATE

V. — En ce cas, admirable Euthyphron, que puis-je faire de mieux que de devenir ton disciple et, sans attendre le jugement de mon procès avec Mélètos, de l’assigner à ce propos même 99 pour déclarer que, pour ma part, j’ai toujours attaché un grand prix à connaître les choses divines et qu’à présent que cet homme prétend que je suis dans l'erreur et que j’introduis des innovations téméraires dans la religion, je me suis mis à ton école ? Je pourrai lui dire alors : « Si tu conviens, Mélètos, qu’Euthyphron est savant en ces matières, admets que, moi aussi, j'ai des opinions saines, et renonce à me poursuivre ; sinon, assigne-le, lui, le maître, avant de m'’assigner, moi, par la raison qu’il corrompt les vieillards, moi et son père, moi, par ses leçons, son père par ses admonestations et la punition qu’il demande contre lui. Et si, sans égard à ma requête, il ne renonce pas au procès ou ne t’accuse pas à ma place, je dirai devant la cour les mêmes choses que je voulais lui dire en le convoquant. »

EUTHYPHRON

N’en doute pas, Socrate : s’il s’avisait de m’accuser, je trouverais bien, je pense, son point faible, et nous aurions beaucoup plus à dire sur lui que sur moi devant le tribunal.

SOCRATE

C'est parce que je n’en doute pas, cher camarade, que j'ai envie de devenir ton disciple. Je sais bien que per-