Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/245

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r hasard tu en avais un, et il ne t’était pas permis de lui faire ce qu’il te faisait, ni de lui rendre injure pour injure, coup pour coup, ni rien de tel ; et à l’égard de la patrie et des lois, cela te serait permis ! et, si nous voulons te perdre, parce que nous le trouvons juste, tu pourrais, toi, dans la mesure de tes moyens, tenter de nous détruire aussi, nous, les lois et ta patrie, et tu prétendrais qu’en faisant cela, tu ne fais rien que de juste, toi qui pratiques réellement la vertu ! Qu’est-ce donc que ta sagesse, si tu ne sais pas que la patrie est plus précieuse, plus respectable, plus sacrée qu’une mère, qu’un père et que tous les ancêtres, et qu’elle tient un plus haut rang chez les dieux et chez les hommes sensés ; qu’il faut avoir pour elle, quand elle est en colère, plus de vénération, de soumission et d’égards que pour un père, et, dans ce cas, ou la ramener par la persuasion ou faire ce qu’elle ordonne et souffrir en silence ce qu’elle vous ordonne de souffrir, se laisser frapper ou enchaîner ou conduire à la guerre pour y être blessé ou tué ; qu’il faut faire tout cela parce que la justice le veut ainsi ; qu’on ne doit ni céder, ni reculer, ni abandonner son poste, mais qu’à la guerre, au tribunal et partout il faut faire ce qu’ordonnent l’État et la patrie, sinon la faire changer d’idée par des moyens qu’autorise la loi ? Quant à la violence, si elle est impie à l’égard d’une mère ou d’un père, elle l’est bien davantage encore envers la patrie. » Que répondrons-nous à cela, Criton ? que les lois disent la vérité ou non ?

CRITON

La vérité, à mon avis.

SOCRATE

XIII. — « Vois donc, Socrate, pourraient dire les lois, si nous disons la vérité, quand nous affirmons que tu n’es pas juste de vouloir nous traiter comme tu le projettes aujourd’hui. C’est nous qui t’avons fait naître, qui t’avons nourri et instruit ; nous t’avons fait part comme aux autres citoyens de tous les biens d