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injuste, notre seul juge, et la vérité même en pourront dire. Ainsi tu engages mal la discussion, en avançant d’abord que nous devons nous inquiéter de l’opinion de la foule sur le juste, le beau, le bien et leurs contraires. On pourra nous dire, il est vrai, que la foule est capable de nous faire périr.

CRITON

Evidemment, Socrate, on nous le dira.

SOCRATE

C’est vrai. Mais pour moi, étonnant Criton, le principe que nous avons établi me paraît toujours avoir la même valeur qu’avant. Considère aussi cet autre principe, que le plus important n’est pas de vivre, mais de bien vivre, et vois s’il subsiste toujours ou non pour nous.

CRITON

Oui, il subsiste.

SOCRATE

Et l’identité du bien, du beau et du juste subsiste-t-elle ou ne subsiste-t-elle pas ?

CRITON

Elle subsiste.

SOCRATE

IX. — Réglons-nous donc sur ces principes reconnus pour examiner s’il est juste que j’essaye de sortir d’ici sans l’aveu des Athéniens, ou si cela n’est pas juste. Si cela nous paraît juste, essayons ; sinon, renonçons-y. Quant aux considérations que tu allègues sur la dépense, sur l’opinion, sur l’éducation des enfants, je crains bien qu’elles ne soient réellement, Criton, celles de ces gens qui font mourir à la légère et qui vous ressusciteraient, s’ils en avaient le pouvoir, sans plus de réflexion, je parle de la foule. Mais nous, puisque la raison le démontre, nous n’avons pas autre chose à considérer que ce que je disais tout à l’heure : ferons-nous acte de justice en donnant de l’argent à ceux qui me tireront d’ici et en y ajoutant notre reconnaissance, et en aidant à l’évasion et en nous évadant nous-même, ou bien comm