Page:Œuvres complètes de Platon (Chambry), tome 1.djvu/22

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’inspiration aux poètes ; ils ont favorisé Socrate d’avertissements particuliers. Peut-être y a-t-il chez les poètes et dans les croyances populaires des traces d’une révélation divine qui jetteraient quelque lueur sur nos origines et notre destinée après la mort. Les Égyptiens croyaient que les hommes sont jugés sur leurs actes après la mort et les Pythagoriciens que l’âme passe du corps d’un animal dans celui d’un autre. Platon n’a pas dédaigné de recueillir ces croyances, mais il se garde de les donner pour des certitudes. Ce sont pour lui des espérances ou des rêves qu’il expose dans des mythes d’une poésie sublime. Son imagination leur communique un éclat magique et lui suggère des détails si précis qu’on dirait qu’il a assisté, comme Er le Pamphylien, aux mystères de l’au-delà. Il y a vu des limbes, un purgatoire et un enfer éternel réservé aux âmes incorrigibles. Ces visions extraordinaires ont tellement frappé les esprits que les chrétiens en les modifiant un peu en ont fait des dogmes religieux.

LA PSYCHOLOGIE DE PLATON

La psychologie de Platon est marquée d’un caractère profondément spiritualiste. L’âme est éternelle. Avant d’être unie au corps, elle a contemplé les Idées et, grâce à la réminiscence, elle peut les reconnaître, quand elle est descendue dans un corps. Par sa cohabitation avec la matière, elle perd sa pureté, et l’on distingue en elles trois parties différentes : une partie supérieure, le νοῦς ou la raison, faculté contemplative, faite pour gouverner et maintenir l’harmonie entre elle et les parties inférieures. Ces parties sont le θυμός ou courage, faculté noble et généreuse qui comprend à la fois les désirs élevés de notre nature et la volonté, et l’ἐπιθυμητικόν, c’est-à-dire l’instinct et le désir qui tirent l’homme vers les objets sensibles et les désirs grossiers *. Le point faible de cette

* Dans le Phèdre, Platon représente l’âme comme un cocher (le νοῦς) qui conduit un attelage de deux chevaux, l’un (le θυμός) obéissant et généreux, l’autre (l’ἐπιθυμητικόν) indocile et rétif.