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ferme contre l’ennemi. » Socrate la trouve trop étroite ; car le courage trouve son application en mille autres circonstances. Lachès alors en propose une autre : « Le courage est une sorte de fermeté. » Mais, si cette fermeté se fonde sur la folie et l’ignorance, répond Socrate, elle ne peut être le courage. Nicias, consulté à son tour, dit que le courage est la science de ce qui est à craindre et de ce qui ne l’est pas. À cette définition, Socrate fait une autre objection. Le courage, si c’est une science, dit-il, doit être la science de tous les biens et de tous les maux ; mais cette définition s’applique à la vertu en général. Là dessus, on se sépare, sans être arrivé à la définition cherchée. Mais on voit le procédé qui, d’une proposition, passe à une autre plus compréhensive, jusqu’à ce qu’on arrive à l’idée générale qui comprendra tous les cas et se distinguera nettement des idées voisines. Cette méthode socratique, Platon l’étend au domaine des Idées, pour les atteindre elles-mêmes et monter des Idées inférieures à l’Idée du Bien. Il faut commencer par une hypothèse sur l’objet étudié. On la vérifie par les conclusions auxquelles elle conduit. Si ces conclusions sont intenables, l’hypothèse est rejetée. Une autre prend sa place, pour subir le même sort, jusqu’à ce qu’on en trouve une qui résiste à l’examen. Chaque hypothèse est un degré qui nous hausse vers l’Idée. Quand nous aurons ainsi examiné tous les objets de connaissance, nous aurons atteint tous les principes (ἀρχαί) irréfragables, non seulement en eux-mêmes, mais dans leur mutuelle dépendance et dans la relation qu’ils ont avec le principe supérieur et absolu qu’est l’Idée du Bien. Le Parménide nous donne un exemple du procédé. Ce procédé exige une intelligence supérieure et un travail infatigable, dont seul est capable le philosophe né.

Mais la dialectique ne suffit pas à tout. Il est des secrets impénétrables à la raison et dont les dieux se sont réservé la possession. Ils peuvent, il est vrai, en laisser voir quelque chose à certains hommes privilégiés. Ils font connaître l’avenir aux devins et communiquent