pour l’avoir appris. Cependant, puisque tu es si délicat et que tu ne goûterais guère le même raisonnement, je renonce à examiner si tu sais ou ne sais pas ce qui est utile aux Athéniens. Mais le juste et l’utile sont-ils identiques ou différents, voilà ce que tu aurais dû démontrer, soit, si tu veux, en m’interrogeant, comme je t’ai interrogé moi-même, soit en exposant toi-même ta pensée à ta manière.
ALCIBIADE
Je ne sais trop, Socrate, si je serais capable de te l’exposer.
SOCRATE
Eh bien, mon bon, tu n’as qu’à t’imaginer que je suis l’assemblée et le peuple. Là aussi, tu auras à persuader chaque homme en particulier, n’est-ce pas ?
ALCIBIADE
Oui.
SOCRATE
Ce même homme ne peut-il pas persuader une personne isolée aussi bien qu’une foule sur les choses qu’il sait, comme le maître d’école qui enseigne à lire persuade aussi bien un seul écolier que plusieurs ?
ALCIBIADE
Si.
SOCRATE
De même, en matière de nombre, le même homme ne persuadera-t-il pas aussi bien un seul auditeur que plusieurs ?
ALCIBIADE
Si.
SOCRATE
Et cet homme sera celui qui sait, l’arithméticien.
ALCIBIADE
Parfaitement.
SOCRATE
De même toi, ce que tu es capable de persuader à plusieurs, ne peux-tu pas le persuader à un seul ?