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st pas moi qui les dis, c’est toi, et tu as tort de me les imputer. Et tu as grand-raison de le dire ; car c’est une folle entreprise que tu t’es mise en tête, de vouloir enseigner ce que tu ne sais pas, ayant négligé de t’en instruire.

ALCIBIADE

X. — À vrai dire, Socrate, les Athéniens et les autres Grecs ne délibèrent que rarement sur ce qui est juste ou injuste, car ils pensent que ces sortes de choses sont évidentes. Aussi les laissent-ils de côté et ils examinent ce qui est utile à faire. Car le juste et l’utile ne sont pas la même chose, et l’on a vu beaucoup de gens qui se sont bien trouvés d’avoir commis de grandes injustices et d’autres, je pense, qui, ayant agi selon la justice, n’y ont pas trouvé leur profit.

SOCRATE

Eh bien, à supposer que le juste et l’utile soient aussi différents que possible, tu ne crois pas non plus, je pense, connaître ce qui est utile aux hommes et pour quelle raison ?

ALCIBIADE

Pourquoi pas, Socrate, à moins que tu ne me demandes encore de qui je l’ai appris ou comment je l’ai trouvé moi-même ?

SOCRATE

Que prétends-tu par là ? Si tu émets une opinion erronée et qu’il soit possible de le démontrer par le raisonnement qui nous a déjà servi, tu crois qu’il faut te fournir du nouveau, d’autres démonstrations, comme si les précédentes étaient usées, ainsi que de vieux habits que tu ne voudrais plus mettre, et il te faut une preuve toute neuve et immaculée ? Mais moi, sans te suivre dans tes écarts, je persiste à te demander d’où tu as tiré ta connaissance de l’utile et qui est ton maître, et je renouvelle en bloc toutes mes questions précédentes. Mais non, car il est évident que tu vas retomber dans le même embarras et que tu seras incapable de prouver que tu connais l’utile, soit pour l’avoir découvert, soit