Voyons : était-ce l’an passé que tu le cherchais et croyais ne pas le savoir ? Ou bien croyais-tu le savoir ? Réponds-moi sincèrement, afin que nous ne discutions pas inutilement.
ALCIBIADE
En bien, je croyais le savoir.
SOCRATE
Il y a deux ans, trois ans, quatre ans, ne le croyais-tu pas de même ?
ALCIBIADE
Si.
SOCRATE
Mais avant ce temps-là, tu n’étais qu’un enfant, n’est-ce pas ?
ALCIBIADE
Oui.
SOCRATE
Et en ce temps-là, je sais bien que tu croyais le savoir ?
ALCIBIADE
Comment le sais-tu ?
SOCRATE
C’est que, quand tu étais enfant, je t’ai souvent entendu à l’école et ailleurs, et quand tu jouais aux osselets ou à quelque autre jeu. Or tu ne balançais pas sur le juste et l’injuste ; au contraire, tu disais très haut et hardiment de tel ou tel de tes petits camarades qu’il était méchant, injuste et qu’il avait tort. Est-ce que je ne dis pas la vérité ?
ALCIBIADE
Eh bien, que devais-je faire, Socrate, quand on était injuste envers moi ?
SOCRATE
Mais si tu ignorais alors si l’on te traitait ou non injustement, comment peux-tu me demander ce que tu devais faire ?
ALCIBIADE
Non, par Zeus, je ne l’ignorais pas, et je voyais clairement qu’on me traitait injustement.