Page:Œuvres complètes de Platon, série 3, tome 1, Dialogues dogmatiques (trad. Dacier et Grou), 1866.djvu/428

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l’entendriez pas de moi si d’abord le vin, avec ou sans l’enfance, ne disait pas toujours la vérité, selon le proverbe, et si ensuite cacher un trait admirable de Socrate, après avoir entrepris son éloge, ne me semblait injuste. Je me trouve d’ailleurs dans la disposition des gens qui, ayant été mordus par une vipère, ne veulent, dit-on, parler de leur accident à personne, si ce n’est à ceux qui en ont éprouvé un pareil, comme étant seuls capables de concevoir et d’excuser tout ce qu’ils ont fait et dit dans leurs souffrances. Et moi, qui me sens mordu par quelque chose de plus douloureux, et à l’endroit le plus sensible, qu’on le nomme cœur, âme, ou comme on voudra, moi, qui suis mordu et blessé par les discours de la philosophie, dont les traits sont plus acérés que le dard d’une vipère lorsqu’ils atteignent une âme jeune et bien née, et lui font dire ou faire mille choses extravagantes ; voyant d’ailleurs autour de moi Phèdre, Agathon, Éryximaque, Pausanias, Aristodème, Aristophane, sans parler de Socrate lui-même et des autres, atteints comme moi de la manie et de la rage de la philosophie, je n’hésite pas à poursuivre devant vous tous mon récit : car vous saurez excuser mes actions d’alors et mes paroles d’aujourd’hui. Mais pour les esclaves, pour tout homme profane, pour tout homme sans culture, mettez une triple porte sur leurs oreilles.

Quand donc, mes amis, la lampe fut éteinte et que les esclaves se furent retirés, je jugeai qu’il ne fallait point user de détours avec Socrate, et que je devais lui dire ma pensée franchement. Je le