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Mais son audace redoublait sur-tout au moment où la conspiration était près d'éclater. Avec quelle perfidie ils désorganisaient tout, en criant aux désorganisateurs ! Avec quelle lâche cruauté ils cherchaient à exciter dans Paris quelques petits mouvements aristocratiques, pour préparer au traître Dumouriez le prétexte de marcher contre cette cité, et à les imputer ensuite aux patriotes dont le zèle les avait constamment écartés ! Voyez quel affreux parti ils ont voulu tirer d'un attroupement excité par eux, qui s'était porté chez quelques épiciers ! Voyez comme l'exécrable Dumouriez, dans sa lettre du 12 mars à la Convention, travestissait la vente illégale et forcée des marchandises de quelques marchands et de quelques accapareurs, en scènes de sang et de carnage, et comme il en conclut qu'il doit faire la guerre à Paris et aux patriotes.[1]

Ils avaient dénoncé les députés patriotes qui avaient pressé la condamnation du tyran, comme des agitateurs, et il déclare qu'il veut employer la moitié de son armée à les subjuguer. Ils avaient déclamé contre les tribunes, c'est-à-dire contre la portion du peuple, qui pouvait assister aux séances de l'assemblée représentative ; ils avaient protesté solennellement qu'ils n'étaient pas libres, lorsque le tyran avait été condamné ; et il menace les tribunes, et il promet d'aller bientôt affranchir de leur influence la faction qui avait voulu sauver le tyran, qu'il appelle la saine partie de la Convention nationale. Il proclame leurs principes ; il consacre leurs calomnies ; il déclare la guerre à leurs adversaires ; il rédige, en forme de manifeste[2] contre la république, les journaux des chroniqueurs, des Brissot, des Gorsas, des Rabaud, des Gensonné, Vergniaux et Guadte, etc. Comme eux, il veut être, dit-il, le restaurateur de l'ordre public, le fléau de l'anarchie, le libérateur de son pays ; enfin, il déclare hautement qu'il veut redonner un roi à la France. Quel était le roi qu'il voulait nous donner ? Peu importe sans doute aux républicains qui les détestent tous également. Mais c'était apparemment quelque rejetton de la famille de nos tyrans. Or, parmi les généraux de l'armée de la Belgique, je vois Valence, l'ami de Dumouriez ; Valence, le gendre de Sillery, le confident intime du ci-devant duc d'orléans ; Sillery, ci-devant comte de Genlis ; ce seul nom dit tout. Je vois le ci-devant duc de Chartres promu au commandement des armées dans un âge où les citoyens sont à peine dignes d'être soldats. Je vois, dans le camp de Dumouriez, la soeur de ce général avec la ci-devant comtesse de Genlis, la plus intrigante des femmes de l'ancienne cour,

  1. Sur la lettre du 12 mars, voir ci-dessus, note 27.
  2. Le soir de l’arrestation des commissaires de la Convention et du ministre de la Guerre, à 11 heures, Dumouriez rédigea un appel à l’armiée et une adresse aux administrateurs du département du Nord. (Cf. Chuquet, La trahison de Dumouriez, p. 178 et s.)