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la révolution eut tout disposé pour les troubler, et que les despotes eurent rassemblé des forces suffisantes contre nous.

Dumouriez et ses partisans portèrent un coup mortel à la fortune publique, en empêchant la circulation des assignats dans la Belgique. Après avoir fatigué cette contrée par ses intrigues, après avoir levé, de son autorité privée, des sommes énormes qu’il chargeait la nation de rembourser, il part enfin pour la Hollande, et s’empare de quelques places dans la Gueldre. Mais, tandis qu’on ne nous parlait que de succès et de prodiges, tout était disposé pour nous enlever en un moment la Belgique. Stengel[1] et Miranda, le premier aristocrate allemand, l’autre aventurier espagnol, chassé du Pérou, ensuite employé par Pitt et donné par l’Angleterre à la France, enfin adopté particulièrement par Dumouriez, Brissot, Pétion, nous trahissaient en même-temps à Aix-la-Chapelle et à Maësticht[2]. Une partie de l’armée exposée dans un poste désavantageux, appellée improprement l’avant-garde, puisqu’elle n’avait rien derrière elle, disséminée sur un si grand espace de terrain, qu’encas d’attaque, les corps qui la composaient ne pouvaient se rallier ni se soutenir, est livrée à une armée ennemie dont notre général avait l’air de ne pas soupçonner l’existence ; il avait repoussé tous les avis qu’on lui avait donnés de son approche ; les corps les plus distingués par leur patriotisme sont spécialement trahis et égorgés par les ennemis ; le reste est obligé de fuir. En même temps, le siège de Maësticht est entrepris, sans aucuns moyens, avec des boulets qui n’étaient pas de calibre, dirigé par une perfidie profonde, pour se défaire de nos plus braves défenseurs en les exposant sans défense à l’artillerie supérieure de nos ennemis ; le siège de Maëstricht est levé avec précipitation ; nos conquêtes sont abandonnées ; les braves Liégeois, nos fidèles alliés, devenus nos frères, sont remis sous la hache des tyrans, pour expier encore une fois leur généreux attachement à la cause de la France et de la liberté.[3]

Dumouriez laisse son armée à Gueldre, et se rend dans la Belgique, pour se mettre à la tête de celle qui a été trahie. Va-t-il se plaindre d’avoir été lui-même trahi par les généraux ? Va-t-il les dénoncer à la Convention ? Non : il jette un voile sur la trahison, parler seulement de quelque imprudence de la part du général de l’avant-garde, montre la plus grande confiance en l’armée, et promet de la conduire à la victoire. Il donne une bataille, elle est perdue[4].

  1. Pour Stengel, voir ci-dessus, séance du 9 avril, note 7.
  2. Sur les événements d’Aix-la-Chapelle et de Maëstricht, voir ci-dessus, même séance, note 6.
  3. Sur les opérations autour d’Aix-la-Chapelle et le siège de Maëstricht, cf. A. Chuquet, La trahison de Dumouriez, II, 47 à 77.
  4. Défaite de Neerwinden (18 mars 1793), voir A. Chuquet, La triahison de Dumouriez, III, 86 et s.