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ment à la proposition qu’ils leur firent de prononcer leur opinion en faveur de la guerre ; mais tel était le prix qu’ils attachaient à consacrer les projets de la cour par la sanction des sociétés populaires, que le comité de correspondance de cette société, composé de leurs émissaires, osa envoyer, à son insu, une lettre circulaire à toutes les sociétés affiliées, pour leur annoncer que le voeu des Jacobins était pour la guerre[1] ; ils portèrent même l’impudence jusqu’à dire que ceux qui avaient combattu ou embrassé l’opinion contraire, l’avaient solennellement abjurée. Ce fut par ces manoeuvres que l’on détermina les patriotes même de l’assemblée législative à voter comme le côté droit et comme la cour.

Le prix de cette intrigue fut l’élévation de la faction au ministère, dans la personne de Clavière, Rolland, Servan et Dumouriez.[2]

Nos prédictions ne tardèrent pas à s’accomplir. La première campagne fut marquée par des trahisons et des revers, qui ne furent, pour la cour et pour Lafayette, que de nouveaux prétextes pour demander des lois de sang contre les plus zélés défenseurs de la patrie, et un pouvoir absolu, qui leur fut accordé sur la motion des chefs de la faction, et particulièrement des Guadet, des Gensonné[3]. Dès ce temps-là, tous ceux qui osaient soupçonner les généraux et la cour, furent dénoncés comme des agitateurs et des factieux. On se rappellera avec quel zèle les mêmes hommes défendaient, divinisaient le ministre Narbonne, avec quelle insolence ils outrageaient l’armée et les patriotes.

Bientôt tous nos généraux nous trahirent à l’envi ; une invasion dans la Belgique ne produisit d’autre effet que de livrer ensuite nos alliés à la vengeance de leur tyran, et d’irriter les étrangers contre nous, par l’infâme attentat du traître Jarri, qui n’a même pas été puni[4]. Nos places fortes étaient dégarnies ; notre armée divisée

  1. Circulaire du Comité de .correspondance des Jacobins, aux sociétés affiliées, 17 janv. 1792, en faveur de la guerre, in-8°, 14 p. (Aulard, III, 323).
  2. Arrivée des Girondins au pouvoir, le 24 mars 1792. Servan ne prit le ministère de la Guerre que le 9 mai.
  3. Le 9 mai 1792, Guadet, soutenu par Gensonné, demande le renforcement du pouvoir des officiers dans les tribunaux militaires. Le 12, il réclame pour les généraux le droit de faire des règlements de circonstance (Mon., XIII, 344 et 370).
  4. Sur les premiers revers de Belgique, voir n Défenseur de la Constitution », p. 15 et /s. Sut la trahison du général Jarry de Vrigny de la Villette, voir « Lettres... à ses commettans », n° 1, p.55. Vieil officier de la guerre de Sept ans, il avait servi la Prusse, puis la France en 1791. Commandant à Courtrai, en avril 1792, il avait fait incendier les faubourgs de cette place qu’il livra à l'ennemi. Dénoncé par une députation de Belges et de Liégeois, il ne tarda pas à émigrer, servit en Angleterre où il mourut en 1807.