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LES DISCOURS DE ROBESPIERRE

créer : il n’y aurait plus ni frein à l’arbitraire, ni lois protectrices de l’innocence opprimée... Mais le législateur sage sait que de tous les hommes, les juges sont ceux qu’on doit le plus surveiller : de là les formes auxquelles les jugemens ont toujours été assujettis. La loi ne peut pas abandonner à la seule conscience du juge le droit de décider arbitrairement, elle lui dit : vous ne condamnerez personne, à moins qu’il n’existe contre l’accusé des preuves plus claires que le jour. La loi a été plus loin. Elle a elle-même posé des règles pour l’examen et pour l’admission de ces preuves, règles sans l’observation desquelles les juges ne sauraient condamner quelle que fût leur conviction... S’il existe des règles, il faut constater, qu’elles ont été remplies : le moyen de le constater c’est l’écriture : sans cela il n’y a plus de barrières à l’arbitraire et au despotisme : il n’y a rien qui empêche ou qui constate les assassinats judiciaires et toutes les suites de la malversation. La société doit donc s’assurer que l’accusé n’a été condamné que sur des preuves indubitables...

« Mais la loi ne peut prévoir toutes les circonstances ; elle ne peut déterminer avec assez de précision la nature de tous les délits possibles : les preuves légales sont souvent insuffisantes, souvent dans la pratique la conviction intime des juges est plus sûre que les dépositions de deux témoins suspects. Eh bien ! il faut que les lumières des juges concourrent avec la sagesse du législateur. Par exemple, le témoignage de deux hommes est preuve légale. Cependant, le juge sait que ces deux témoins sont d’intelligence, qu’ils sont d’une probité équivoque ; il apperçoit dans leurs déclarations de l’incertitude, de l’improbabilité, il a une connaissance particulière de la probité ou même de l’innocence de l’accusé. Dans ce cas, forcer le juge à le condamner, ne serait-ce pas faire immoler l’innocence par le glaive de la loi ?... Il faut donc réunir et la confiance qui est due aux preuves légales, et celle que mérite la conviction intime du juge. Donner tout à la conviction des juges, sans le secours des preuves légales, c’est créer l’arbitraire et le despotisme, accorder une confiance sans bornes aux preuves légales, lors même qu’elles sont contraires à la conviction des juges, c’est tolérer l’assassinat judiciaire...

« Je finis par un trait au-dessus de tous les argumens. Les preuves les plus importantes, les dépositions de plusieurs témoins se prétendent à la charge d’un accusé, l’un des jurés est auteur du crime, il le déclare dans le trouble de sa conscience agitée, obligerez-vous le juge à condamner l’accusé dont il reconnaît l’innocence, parce que des preuves légales parlent contre lui ? Vous voyez que la confiance que mérite la conviction presque unanime des juges, doit balancer l’espèce de certitude acquise par les preuves légales. Je propose donc le projet de décret suivant :

« Art 1er . Les dépositions seront rédigées par écrit.